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Economie de fonctionnalité : AEDEV réfléchit à une solution pour les DEEE
mardi 6 juin 2006, par
AEDEV, association e-developpement, réfléchit à utiliser l’économie de fonctionnalité pour régler le problème des DEEE. Les reflexions d’Alexis Berger viennent de paraitre.
Source : AEDEV
L’économie de fonctionnalité, un modèle pour le développement durable
par Alexis Berger
Face au constat environnemental actuel et à la difficulté du système économique à considérer l’environnement, la dématérialisation de l’économie s’impose comme une alternative. C’est en découplant la création de richesse avec l’utilisation de matière qu’il est possible pour l’entreprise de concilier augmentation du profit et diminution de la pollution. L’économie de fonctionnalité propose, dans cette optique, à l’entreprise d’orienter son activité vers un service de location. Le fonctionnement locatif pousse le loueur à concevoir dans son intérêt, des produits plus durables. Ce système vertueux a pour effets un amoindrissement de la production industrielle ainsi qu’une diminution des déchets issus de la consommation. Les avantages d’une telle démarche sont divers, mais les obstacles le sont également. L’économie de fonctionnalité s’inscrit en tout cas dans une démarche de développement durable.
La nécessité d’un développement durable s’impose maintenant comme une évidence dans nos esprits. Ce concept ambitieux permet d’allier économie, développement social et protection de l’environnement. Différents courants de l’économie écologique ont tenté de créer un modèle économique sur le fondement du développement durable consistant à prendre l’environnement en compte dans le système économique. Pourtant aucun modèle de ce type (1) n’est aujourd’hui applicable dans le contexte d’autorégulation économique actuel. Au niveau macro-économique, les outils réglementaires tels que les écotaxes ou les droits à polluer contribuent au développement durable. Ces instruments d’incitation économique ne participeront que pour 10% à l’atteinte des objectifs en 2010 du plan climat de 2004 (2). Si un nouveau modèle économique est inenvisageable et que les instruments d’incitation économique sont inefficaces, c’est vers le niveau micro-économique qu’il faut se tourner. Une évolution des systèmes de production vers le durable s’avérerait en effet certainement rédemptrice.
L’industrie, avec une faible productivité des ressources : 7% des ressources utilisées se retrouvent dans les produits finis (3) et avec des émissions de CO2 massives, s’impose comme le principal pollueur mondial. C’est donc sur ce secteur qu’il faut travailler. Paradoxalement, dans un contexte où le développement économique est tributaire de l’industrialisation, l’enjeu est de répondre aux enjeux économique tout en diminuant les flux de matière et d’énergie. La dématérialisation de la production propose une réponse à cette nécessité.
Deux solutions visent à dématérialiser l’économie : l’économie circulaire (ou écologie industrielle) et l’économie de fonctionnalité (ou économie de services). L’économie circulaire s’oppose à notre économie dite linéaire qui épuise les ressources et rejette des déchets sans contrôler ni les flux, ni les rejets qui en sont issus. Elle prône, au contraire, la maîtrise de chaque flux afin qu’ils reproduisent dans leur globalité le fonctionnement quasi-cyclique des écosystèmes. De son coté, l’économie de fonctionnalité a pour principe de substituer la vente d’un service à la vente d’un produit afin de permettre le découplage entre l’augmentation du chiffre d’affaires et les flux sous-jacents.
Ces deux moyens pour dématérialiser l’économie sont complémentaires, le premier répond particulièrement au besoin de diminuer le gaspillage des matières lors de la production, et le second répond notamment au problème lié à l’augmentation des déchets suite à la consommation. Rappelons en effet que 99% des matières contenues dans les biens vendus sont devenus des déchets après six semaines. (4) Cette complémentarité des deux modèles masque cependant des différences dans leur facilité d’application.
L’économie circulaire constitue un profond changement des systèmes de production impulsé par les producteurs de façon quasi-unilatéral, c’est à dire que les consommateurs ne sont pas directement impliqués. Ceci rend ainsi la tache difficile dans un système économique où le consommateur est le principal influent. De plus, la mise en place d’un tel modèle n’est envisageable qu’à certaines industries. Le déploiement d’un réseau d’industries, opérant en circuit fermé, s’effectue sous forme d’écoparc (5) à la conception complexe. Ces derniers sont des pôles regroupant des industries interdépendantes qui tentent de créer un système d’échange basé sur le recyclage et la valorisation. Par exemple, les déchets des uns sont utilisés comme matières premières par d’autres. Des difficultés d’exploitation émergent souvent à cause de collaborations difficiles. Actuellement, il n’existe aucun écoparc en France, et un nombre limité à travers le monde. Les exemples en la matière sont ceux de Kalunborg au Danemark, de Devens au Massachusetts et de Guiygang en Chine, un écoparc conçu autour de l’industrie du sucre.
L’économie de fonctionnalité propose moins de contraintes à l’application et a donc le potentiel pour répondre plus rapidement que l’économie circulaire aux enjeux environnementaux posés par la consommation mondiale croissante. Elle devra pourtant, à long terme, être associée à une production plus écologique comme celle proposée par l’économie circulaire. En attendant, l’économie de fonctionnalité doit faire l’objet d’une présentation détaillée afin de connaître ses applications, ses avantages et les obstacles à son développement.
L’économie de fonctionnalité : ses expériences
L’exposé d’exemples relatifs à l’application de l’économie de fonctionnalité permet de mieux appréhender le concept, l’objectif étant de comprendre comment substituer la location à la vente. Révélant la réussite de l’économie de fonctionnalité, les démarches de Michelin et Xerox démontre la viabilité du modèle. L’expérience d’Interface, de part l’échec de son système locatif de mobilier révèle quelques-unes de ses limites.
Michelin produit moins et continue d’augmenter son chiffre d’affaires. Orientant son activité vers les services, Michelin innove et propose aux transporteurs routiers de gérer leurs pneumatiques. L’offre repose sur l’optimisation de l’utilisation des pneus en fournissant une maintenance régulière (6). Grâce à un meilleur gonflage et entretien la consommation de carburant est amoindrie. Mais si Michelin arrive à faire baisser significativement la consommation de carburant tout en allongeant la durée de vie du pneu, c’est parce que ses produits son éco-conçus. En effet, Michelin crée des gammes de pneu ayant un meilleur roulement comme Energy. Les pneumatiques sont pensés de manière à pouvoir être recreusés et rechapés, ce qui multiplie leur durée de vie de 2,5. Une économie de 36% par rapport au remplacement direct des pneumatiques.
En devenant responsable des pneumatiques chez ses clients, Michelin a largement perçu l’intérêt de créer un matériel aux caractéristiques plus durable. Cette durabilité est également accrue par une meilleure maintenance facilitée par la maîtrise de ses produits et par le service client offert à domicile. Par conséquent, Michelin diminue son coût de production, protége l’environnement et augmente son chiffre d’affaires.
Dans un autre domaine, mais tout aussi enrichissant, Xerox a appliqué l’économie de fonctionnalité aux photocopieurs. Cette entreprise réalise depuis de nombreuses années, grâce à la location de son matériel, une immense économie de matière. Tout d’abord, en maintenant son matériel au mieux durant son utilisation, elle augmente sa durée de vie. Ensuite, lorsque le matériel arrive en bout de course, Xerox (7) le récupère et parvient à recycler une majorité de ces composants, à tel point que les éléments recyclés forme à 90% les nouvelles photocopieuses. Enfin, cette économie de matière n’est rendue possible que par l’aspect locatif qui entraîne une conception appropriée à la réutilisation, au recyclage des composants.
Comme pour Michelin, Xerox a créé un système de location qui l’a responsabilisé. Ce lien entre produit et fournisseur, favorise la gestion intégrée du cycle de vie des produits. Le fournisseur tend effectivement à raisonner de façon plus globale et pense le produit comme le moyen de fournir un service et de créer un lien avec le client. Le produit n’est pas la finalité. Mais ceci induit que le client adhère au concept et qu’il trouve un attrait au service fournit.
Les clients d’Interface n’ont, par exemple, pas trouvé leur intérêt dans la démarche locative de ce fabriquant de carré de moquettes. Le service de location mis en place offrait un produit associé à un service de maintenance. Le concept devait permettre, pour Interface, de diminuer le coût global tout en augmentant ses revenus. Mais cette offre a connu plusieurs problèmes relatifs aux comportements et aux méthodes de gestion des clients. Premièrement, les entreprises et institutions ciblées préfèrent garder un certain contrôle de leur mobilier en restant propriétaire, phénomène n’étant pas que social. Car, deuxièmement, au niveau financier, les organisations ont un budget séparé pour les achats, la maintenance et la gestion en fin de vie. L’obstacle comptable ne doit donc pas être négligé. Enfin, et troisièmement, la tendance des entreprises à louer leurs bureaux les désintéresse de ce type d’offre. Trois obstacles qui ont conduit Interface à abandonner le concept d’économie de fonctionnalité.
Ces trois exemples démontrent que l’économie de fonctionnalité est applicable à court terme. Pourtant, la stratégie locative peut devenir un échec si tous les scénarios ne sont pas envisagés et que des solutins ne sont pas trouvées de façon préventive. Imaginons, par exemple, que le produit loué soit dégradé volontairement par les clients afin de bénéficier plus rapidement d’un matériel neuf. Si aucune clause contractuelle n’envisage de parer à cette éventualité, offrir une location peut rapidement devenir un gouffre financier. La stratégie d’économie de fonctionnalité doit donc être repensée et adaptée pour chaque produit, mais elle doit surtout être manipulée avec habileté pour donner satisfaction.
Dans des cas comme Michelin ou Xérox, la stratégie adoptée est une réussite, toutes les parties prenantes de ces entreprises sont satisfaites. L’économie de fonctionnalité est vertueuse sous bien des points.
L’économie de fonctionnalité : ses avantages
L’entreprise, dans un contexte d’économie libérale place la satisfaction des actionnaires, shareholders en anglais, au centre de ses priorités. Ces derniers sont sensés, par un processus de réinvestissement du capital créé, garantir la pérennité de l’économie et donc de la société. Ce système économique logique a pourtant des limites et a participé à l’accroissement des inégalités sociales et à la dégradation de l’environnement. Les principes du développement durable tels qu’énoncés dans le rapport Brundtland (8) viennent au secours du système libéral. Ces principes se veulent adaptables à notre système économique. Ils modifient l’objectif libéral de l’entreprise en plaçant le bien être des « stakeholders », parties prenantes en français, comme la priorité de l’entreprise. En conséquence, la valeur créée par l’entreprise n’est plus uniquement destinée aux « shareholder » mais également « stakeholders ». Ces parties prenantes sont les salariés, les actionnaires, les clients, l’Etat, la société, et l’environnement. La logique est la même que celle du libéralisme, la valeur est juste répartie de façon à satisfaire toutes les parties prenantes afin que l’entreprise s’intègre mieux à la société et à son environnement.
L’application du principe de répartition de la valeur créée peine à être effective tant les actionnaires ont de pouvoir sur l’entreprise. Néanmoins, sous certaines contraintes étatiques, notamment réglementaires, les entreprises tendent à réaliser des efforts. Mais les démarches proactives manquent. L’économie de fonctionnalité propose un consensus préconisé par le rapport Brundtland. Correctement appliqué, il est bénéfique pour tous les « stakeholders » et en conséquence pour l’entreprise elle-même. Voici exposé les avantages de l’économie de fonctionnalité pour chaque « stakeholder » :
Pour les salariés :
Lors de la mise en place d’un service de location, l’activité se dématérialise, et la place donnée aux ressources humaines se voit ainsi accrue, l’homme remplaçant la machine de production physique. Les nouveaux postes d’investissement sont la R&D, le marketing, la communication, la logistique, services principalement à dimension humaine. L’ingéniosité, la créativité, le relationnel et la connaissance sont les atouts du personnel d’une entreprise dématérialisée. Ce type d’organisation cherche à avoir un personnel formé à une activité de service, elle va donc promouvoir la formation. Les salariés vont, en favorisant la relation-client, développer des compétences en terme de communication et de polyvalence. L’organisation demande, par exemple, à un technicien d’assurer la relation commerciale avec ses clients lors de ses interventions. Quant au commercial, il se doit de vendre un service, le produit loué, en connaissant le cycle de vie du produit et en gérant des contrats plus complexes. Une activité ayant pour modèle l’économie de fonctionnalité est plus enrichissante pour les salariés.
Pour les clients :
La tendance globale des entreprises à externaliser leurs activités va dans le sens de l’économie de fonctionnalité. L’intérêt de cette démarche repose sur un constat de gain de qualité de l’activité externalisée confiée à des spécialistes. De plus, le coût est diminué par l’apparition d’un phénomène d’économie d’échelles, le prestataire fournit un service avec toutes les compétences requises et son savoir-faire. Finalement le service externalisé a un coût perceptible par le client, ce qui facilite la gestion de sa comptabilité analytique.
En louant un matériel associé à un contrat de maintenance, l’entreprise cliente peut se déresponsabiliser d’une gestion et ne subira pas de coût imprévu, elle peut compter en cas de problème sur le service et les compétences de son fournisseur. Autant d’avantages qui fiabilisent l’utilisation de matériels souvent indispensables au bon fonctionnement d’une organisation. L’économie de fonctionnalité représente une alternative avantageuse dans un contexte où la réduction et la maîtrise des coûts, par le recentrage des entreprises sur leur cœur d’activité, constitue un enjeu de compétitivité.
Pour l’environnement :
Le mode consommation actuel généré par la conception des produits vise à pousser les consommateurs à acheter toujours plus. Ceci est légitimé par une nécessité économique qui entraîne un accroissement des déchets et de la consommation de matières. Dans ces perspectives l’environnement se dégrade rapidement. L’économie de fonctionnalité est une solution de dématérialisation qui garantit viabilité économique et ralentissement de la pollution. En effet, grâce à la location les entreprises productrices adoptent une nouvelle stratégie, elles n’ont plus à augmenter leurs productions et leurs ventes pour augmenter leurs recettes. L’avantage environnemental est double. Le produit est rentabilisé sur la durée, plus il est utilisé longtemps plus il est amorti. La façon de le concevoir est donc basée sur sa robustesse et sur sa capacité à évoluer pour ne devenir technologiquement obsolète que le plus tard possible. La conception durable à une conséquence positive sur l’environnement car elle permet là ou deux ou trois produits étaient nécessaires, de n’en utiliser qu’un, donc de diminuer les déchets et la production pour la même utilisation et le même chiffre d’affaires. Le second avantage provient de la responsabilité réglementaire que le producteur a lorsque son produit arrive en fin de vie chez son client. Il tend alors à utiliser cette contrainte comme un avantage en essayant de recycler le maximum de composants de son produit afin de les réintroduire dans sa production. Il minimise ainsi le coût subit par l’utilisation de filières de traitement adaptées.
Synthétiquement, l’économie de fonctionnalité permet de diminuer la quantité de déchets émis pour la même utilisation, mais aussi de diminuer considérablement la production grâce à l’allongement de la durée de vie des produits. Cette durabilité ajoutée au recyclage induit moins de consommation de matières premières et moins de pollution émise par les processus productifs.
Pour la société et l’Etat :
Un objectif du développement durable est le bien être des citoyens, c’est également un objectif de l’Etat. Ce bien être passe par un environnement et une économie saine et par de bonnes conditions sociales. L’économie de fonctionnalité au travers de certains aspects participe à l’amélioration de la société. Tout d’abord, en réduisant la vitesse de dégradation environnementale. Ensuite, par la création d’emplois source de dynamisme économique. La vigueur du marché de l’emploi étant un facteur de diminution de la précarité et des tensions sociales. Le mécanisme de création d’emploi par l’économie de fonctionnalité repose sur la dématérialisation. L’emploi dans le secteur de la production est faible à cause de la robotisation, à contrario des métiers du service où c’est l’homme qui opère. L’économie de fonctionnalité induit justement une diminution de la production et l’augmentation de la part du service, donc la création d’emplois.
Parallèlement, la conception de produits durables pourrait réduire les inégalités de développement. En effet, lorsque l’évolution technologique rend obsolète un produit, cela coïncide aujourd’hui avec sa fin de vie, le produit n’est pas réutilisable à moyen terme car sa conception n’est pas durable. Avec une conception durable, le produit obsolète pourra être revendu à des personnes moins fortunées pour un type d’utilisation plus modeste.
Pour l’entreprise et ses actionnaires :
L’économie de fonctionnalité change le schéma organisationnel de l’entreprise qui l’applique, sa nouvelle approche est plus humaine et basée sur le management, la communication, la R&D et la logistique, des secteurs ou les progrès sont constants et palpables. Cette réorientation stratégique créée une dynamique plus éthique. Les avantages sociaux et environnementaux ajoutés aux aspects innovants de l’économie de fonctionnalité sont sources de motivations pour les salariés qui se sentiront investis dans une démarche valorisante. Face à l’image des entreprises qui se dégrade aujourd’hui de plus en plus, les stratégies doivent s’adapter. En dématérialisant l’activité, en devenant donc plus soucieux de l’environnement, les sociétés ont l’opportunité d’améliorer leur image et donc leurs ventes. D’autres part, l’économie de fonctionnalité peut, à long terme, face à l’augmentation rapide du prix des matières premières, s’avérer très profitable et devenir un avantage concurrentiel déterminant. Dans une optique marketing, la relation avec le client produite par la location à comme avantage de développer un échange plus poussé et empathique qui le fidélise facilement. Pour ces raisons l’entreprise devient plus rentable à moyen et long terme et peut donc satisfaire ses besoins en autofinancement et garantir des dividendes satisfaisantes aux actionnaires.
Les avantages de chaque partie prenante sont interdépendants les uns des autres. L’application de l’économie de fonctionnalité impulse une dynamique vertueuse où l’évolution environnementale, sociale et économique, va dans le sens du développement durable. L’enjeu repose alors sur la capacité de l’économie de fonctionnalité à être appliquée et étendue aux maximums de secteurs d’activité sans compromettre une des parties et bloquer le cercle vertueux.
L’économie de fonctionnalité : ses obstacles
Le fonctionnement de l’économie libérale pousse à la consommation et au dynamisme économique, la concurrence déclanchant une course à l’optimisation de la création de valeur ajoutée. L’innovation par le progrès technique ou commercial est un facteur majeur de développement et d’accroissement de la consommation. Dans cette optique l’innovation est un frein au développement de l’économie de fonctionnalité . En effet, la conception durable ralentit le phénomène de changement du produit ce qui à priori n’avantage pas le lancement sur le marché de nouveau produit innovants. Mais dans le cadre d’une économie de fonctionnalité l’innovation portent sur la durabilité et la modularité du produit et donc de façon induite sur ses performances. C’est uniquement une mutation de l’innovation qui est générée. Un obstacle persiste tout de même de part la perception des consommateurs de ce type d’innovation qui est commercialement moins attractive. Comme il est décrit ensuite les besoins des consommateurs ne sont pas dicté par l’éthique.
Le second obstacle est plus complexe à surmonter, il est relatif à un phénomène social : le besoin de propriété individuel et de differenciation. Les particuliers, à défaut des entreprises qui ont tendances à externaliser, ont besoin de posséder. Maslow décrit bien les besoins des consommateurs qui, à travers des besoins sociaux et d’appartenance, sont enclins à acquérir la propriété de biens pour se rassurer, être à la mode et jouir de la maîtrise qu’ils ont sur un objet. Il est donc beaucoup plus difficile d’appliquer et d’étendre l’économie de fonctionnalité au marché des particuliers. De plus, lors d’éventuelles maintenances, le loueur doit entrer dans l’espace privé du client, ce qui est ressentis comme une incursion dans la vie privée des usagers. Cet obstacle social est à associer avec les actes potentiellement malveillants du consommateur susceptible d’avoir une attitude différente avec un produit duquel il n’est pas propriétaire.
La mutation de l’innovation associée aux comportements des consommateurs est un obstacle majeur pour l’économie de fonctionnalité. L’innovation qui se limite à améliorer les produits durant la phase d’utilisation pour les rendre plus durables, ne pourra pas assouvir les besoins de nouveauté des consommateurs. Dans une optique locative, l’entreprise ne peut plus avoir une stratégie marketing uniquement orientée sur les aspects novateurs de ses produits. Elle doit parvenir à capter l’attention et l’intérêt des consommateurs sur d’autres aspects comme le service, la qualité, mais surtout sur l’effort environnemental de la démarche. Avec une économie de fonctionnalité, la consommation de produits technologiques doit être éthique et raisonnée. La liberté de se distinguer, d’acquérir n’est pas remise en cause, elle repose sur de nouvelles considérations. L’économie de fonctionnalité ne peut pas être répandue à certains secteurs si elle n’est pas accompagnée d’un changement d’attitude des consommateurs vers des comportements éthiques, civiques et responsables. Une pédagogie du développement durable s’avère alors nécessaire, car sans évolution du mode de penser actuel des consommateurs, l’économie de fonctionnalité ne peut pas être appliquée au secteur où les progrès techniques sont rapides.
Concernant la location une autre contrainte émerge : la complexité de la relation contractuelle. Il s’avère notamment difficile de gérer la responsabilité du locataire, notamment lorsqu’il a un comportement inadapté envers le produit. Il faut également envisager la question de faillite du bailleur qui entraînerait l’arrêt du service.
Le dernier obstacle, difficile à mesurer, concerne les marchés de l’occasion en cas de généralisation du concept d’économie de fonctionnalité. Ces derniers seraient certainement pénalisés, les produits en fin de vie ne se dirigeant plus vers eux. Au-delà de l’aspect économique, si les entreprises ne développent pas de structure de revente de leurs matériels encore utilisable mais retiré de location, l’aspect locatif pourrait empêcher les personnes qui n’ont pas les moyens de la location d’acquérir un bien.
La réduction considérable des flux de matières grâce à l’application de l’économie de fonctionnalité ne peut pas être envisagée si ce modèle n’est pas largement étendu. (10) Il doit également être accompagné d’autres solutions et d’une politique globale visant à dématérialiser l’économie. La liste des secteurs ayant adopté l’économie de fonctionnalité commence à être longue et encourageante : machines à laver, lubrifiants, solvants, pesticides...Mais ces exemples sont plus le résultat d’un besoin économique que d’une réelle volonté de dématérialisation. L’intérêt est alors de comprendre l’économie de fonctionnalité en tant que modèle pour le développement durable et d’envisager son adaptation à divers secteur. C’est en simulant sa transposition d’un secteur à l’autre qu’émergeront des problèmes accompagnés de leurs solutions mais surtout, que ses avantages seront palpables. En tout cas, la vertu de l’économie de fonctionnalité est de faire réfléchir aux alternatives possibles, qui, associés pourront conduire à un développement durable.
(1)perso.wanadoo.fr/marxiens/philo/econolog.htm
(2) Dominique Bourg, Alain Grandjean, Thierry Libaert, « Environnement et entreprise », Page 88
(3) Article de Dominique Bourg et Nicolas Buclet « L’économie de fonctionnalité » paru dans le magazine Futuribles de novembre 2005, Page 28
(4) Allenby Braden « The greening of industrial Ecosystem » national Academy of Engineering, 1994
(5)http://www.en.wikipedia.org/wiki/EcoPark,_Hong_Kong
(6)http://www.michelin.com/corporate/front/templates/affich.jsp ?codeRubrique=91&lang=FR
(7) rapport environnemental de Xerox, http://a1851.g.akamaitech.net/f/1851/2996/24h/cacheB.xerox.com/downloads/usa/en/e/ehs_2004_progress_report.pdf
(8) Rapport Brundtland, http://www.wikilivres.info/wiki/index.php/Rapport_Brundtland
(9) Article de Dominique Bourg et Nicolas Buclet « L’économie de fonctionnalité » paru dans le magazine Futuribles de novembre 2005, Page 33
(10) Dominique Bourg, Alain Grandjean, Thierry Libaert, « Environnement et entreprise », Page 156
Messages
1. Economie de fonctionnalité : AEDEV réfléchit à une solution pour les DEEE, 26 octobre 2007, 01:00, par blaise boudet
EXCELLENTE ANALYSE ET TRES PROMETTEUSE
CETTE ECONOMIE DE FONCTIONNALITE,C’EST DU BON SENS DURABLE ; cette réflexion est très enrichissante. Merci beaucoup.
Voir en ligne : CETTE ECONOMIE DE FONCTIONNALITE,C’EST DU BON SENS
2. Economie de fonctionnalité : AEDEV réfléchit à une solution pour les DEEE, 16 décembre 2007, 12:27, par Fabrice Flipo
Cet article pose beaucoup de questions. En voici quelques-unes :
il parle des avantages de l’économie de fonctionnalités et des obstacles - il n’y aurait donc pas d’inconvénients ?
la teneur prophétique : l’économie de fonctionnalités est présentée comme consistante avec le Rapport Brundtland, ce qui est lui donner une validité universelle, ce qui est bien peu prudent.
A contrario on peut voir beaucoup d’inconvénients à cette économie de fonctionnalités, ce qui tend à modérer quelque peu le potentiel quasi illimité que cet article lui confère :
les économies d’échelle existent chez Michelin et Xerox quand c’est du "B2B" à savoir des consommations intermédiaires - rien n’indique qu’elles existent pour le consommateur final qui est dispersé. Pas sûr que l’avantage pour les clients soit au rendez-vous
avantage pour les salariés : remplacer les machines par les hommes ne semble pas forcément positif, la position de principe n’est guère étayée par des témoignages concrets
le client se retrouve en location illimitée. Chacun et chacune a pu se rendre compte de la complexité de certains contrats de location, par exemple les téléphones portables. A contrario acheter un objet n’implique aucun contrat, aucun fil à la patte.
acheter un objet peut permettre de le réparer soi-même. Dans la location, le client ne peut rien réparer lui-même. Il n’est donc pas incité à le faire. Cela accroît l’impuissance des personnes face à la crise écologique. Et après on accusera "les comportements" !!
il n’est pas prouvé que l’entreprise ait intérêt à faire durer l’appareil. A nouveau regardons les téléphones portables : les vendeurs de services poussent à la consommation car chaque changement d’appareil est une occasion pour gagner des parts de marché. Pourquoi en serait-il autrement ? Les entreprises auraient-elles tout d’un coup renoncé à se faire concurrence ? Auquel cas on se retrouve dans un autre problème : celui du monopole.
la propriété privée et la tendance à vouloir se différencier est présentée comme un obstacle. Ne faudrait-il pas avant tout s’en prendre à la publicité, dont le budget est du même ordre de grandeur que celui de l’éducation nationale ? Cela fait longtemps que les entreprises poussent à la différenciation pour écouler leur production, l’économie de fonctionnalités ne remettra rien en cause, faut-il alors encore accuser "le comportement" ?
l’environnement : il est démontré que Michelin a réduit ses émissions tout comme Norbert Dentressangle. Il n’est pas démontré que les émissions de CO2 baissent, que les camions roulent moins, que l’économie use moins de pneumatiques. Or seules ces données comptent pour la planète. Un gain d’efficacité écologique ici peut engendrer des effets négatifs ailleurs dans l’économie. En l’absence d’analyse globale, on ne sait pas dans quelle direction on va.
Il n’y a dans ces remarques aucune condamnation de l’entreprise au sens de la liberté d’entreprendre. Toutefois on peut se demander si cette liberté est compatible avec la volonté de gagner toujours plus d’argent - ce qui entraîne inévitablement "l’effet rebond" : les capacités financières supplémentaires permettent de consommer davantage, et les services ne sont pas toujours "moins impactants" que ce dont la pollution peut être directement perçue. Les technologies de l’information par exemple contribuent aux émissions de GES à hauteur de 2%, autant que l’aviation. L’idée que les services ont peu d’impact sur l’environnement est une illusion qui se dissipe dès lors qu’on fait l’analyse de cycle de vie de ces services. Un cours à domicilie par exemple nécessite chauffage, véhicule etc.