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Serious Games : Et si votre mission consistait à sauver des vies ? faire du social, de l’humanitaire...
Quand les jeux informatiques veulent mettre du sens - des jeux utiles et sociétales
mercredi 15 novembre 2006, par
Discutant de jeux vidéos avec des collègues, nous étions arrivés à un point où nous constations que "idéologiquement" certains jeux (type jeux de stratégie comme Dune 2, Warcraft, Starcraft...) allaient dans l’idée que les ressources naturelles étaient illimités (sauf sur une map, mais vous passez à une autre map avec de nouvelles ressources) et que son exploitation semblait ne jamais se finir.
XXIe siècle. Santé. Ben Sawyer, consultant et organisateur d’une conférence sur les jeux vidéo à usage thérapeutique :
Ben Sawyer est consultant en jeux vidéo et codirecteur du projet « Serious Games Initiative » (seriousgames.org) qui veut favoriser le développement des « jeux sérieux » outils d’apprentissage, ou de thérapie, par le divertissement. Installé à Portland (Maine), il organise chaque année une conférence sur les jeux vidéo à usage thérapeutique.
Lors du deuxième sommet annuel sur les « jeux sérieux » qui s’est tenu début mars à San Francisco, avez-vous pu évaluer le rôle des jeux vidéo dans la santé aujourd’hui ?
Les jeux sérieux sont déjà très présents dans le secteur de la santé. Il existe des jeux d’exercice physique, d’autres qui contribuent au traitement des phobies, et des jeux qui aident à distraire les patients de leur douleur. Comme SnowWorld, un jeu destiné aux grands brûlés : on y traverse des canyons de glace. Un autre donne la sensation apaisante de faire de la plongée sous-marine. D’autres jeux sont utilisés pour former les médecins à répéter certaines procédures. Ce n’est pas un hasard si les secteurs militaires et de la santé sont les deux premiers investisseurs et consommateurs de jeux sérieux : dans ces deux secteurs, il y a peu de marge d’erreur. Une gaffe peut entraîner la mort. Un jeu de simulation d’une épidurale, par exemple, permet d’insérer une aiguille dans la colonne vertébrale de quelqu’un, de sentir les différentes couches à traverser et d’éviter de graves erreurs.
Grâce à des cobayes virtuels ?
Oui, mais pas seulement. Il existe un jeu qui permet à des médecins d’opérer dans un état de stress accru, au milieu d’une guerre par exemple. Que faites-vous si vous êtes en train d’opérer alors que les balles sifflent autour de vous, que des grenades explosent et que votre patient gémit de douleur ?
Y a-t-il une différence entre les jeux sérieux à but thérapeutique et les traitements thérapeutiques utilisant la « réalité virtuelle » ?
Les applications de RV ne sont pas forcément des jeux. Les jeux sont des logiciels avec des règles, un but et un défi à relever. J’estime que les jeux sérieux ne sont pas en concurrence avec la réalité virtuelle : ces deux univers travaillent ensemble. Les spécialistes de la santé peuvent apprendre aux développeurs de jeux à être moins simplistes quand ils abordent des thèmes médicaux. Quant aux développeurs, ils apportent une expertise technique inégalée. Les jeux sont mieux définis artistiquement, plus détaillés, plus fluides et plus rapides. La meilleure réalité virtuelle qui existe vient de l’industrie du jeu.
Quelles sont les maladies qui peuvent bénéficier de la réalité virtuelle et des jeux sérieux ?
Les thérapies du comportement cognitif, certainement. A la conférence à San Francisco, un docteur nous a présenté un jeu de simulation des hallucinations. Je vois aussi l’essor de l’exergaming : des entraîneurs virtuels qui permettent de créer de nouvelles façons personnalisées de faire de l’exercice et de combattre l’obésité. Par exemple, Dance Dance Revolution est un jeu de dance de Konami qui a beaucoup de succès et qui peut se transformer en cours d’exercice individualisé, tout comme Yourself ! Fitness. Cardiac Arrest, lui, simule différentes formes de crise cardiaque et leurs traitements. Code Orange prépare les employés des hôpitaux à prendre les décisions les plus rapides en situation de crise.
Les jeux marchent également très bien avec les enfants, ce qui n’est pas étonnant vu qu’aux Etats-Unis la moitié des enfants âgés de 6 ans ou plus joue à des jeux vidéo. C’est d’ailleurs le père d’un enfant diabétique qui a créé Glucoboy, un appareil destiné à mesurer la glycémie relié à une GameBoy.
Ces jeux sont-ils disponibles pour le grand public ?
Certains le sont. Les gens disposent d’ordinateurs de plus en plus puissants chez eux. Les jeux sérieux devraient exploser avec la baisse du coût de ces équipements. Des centres de thérapie assistée par réalité virtuelle envisagent de fournir à leurs patients un CD-Rom réalisé sur mesure, pour qu’ils l’utilisent chez eux. J’espère que d’ici quatre ou cinq ans le monde des jeux vidéo aura prouvé qu’il peut aussi contribuer à résoudre des problèmes..
Par Emmanuelle RICHARD
samedi 02 avril 2005 (Liberation)
Pour plus d’informations, voir le site de Serious Games