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Gaspillage social et humain : Les jeunes diplômés BAC+5

lundi 12 juin 2006, par DlyNouille

Suivant régulièrement l’actualité concernant l’efficacité du système scolaire (voir article sur Gustave Le Bon) et notamment l’insertion des jeunes diplômés, il faut croire que les problèmes n’ont pas changé depuis quelques années. A l’instar d’un gaspillage écologique (ressource naturelles et énergie), on a en France un vrai gaspillage social et humain. L’article suivant tiré du Nouvel Obs expose de manière assez synthétique la problématique. C’est édifiant... Quand l’offre ne rencontre pas la demande.

Attention au désespoir des jeunes sous-employés

Quand les diplômes ne paient plus...

Assistante à bac+5, vendeuse avec une maîtrise... Plus du tiers des diplômés du supérieur, selon l’Insee, occupent des emplois au-dessous de leur niveau de formation. Le choc démographique permettra-t-il d’enrayer le phénomène ?

Lasse d’être au chômage, Elisa va accepter un poste d’assistante dans un petit cabinet de ressources humaines. Et cela après cinq ans d’études supérieures. Décevant pour cette diplômée d’école de commerce qui rêvait de marketing dans le luxe. Elisa se vivra comme déclassée. Tout comme Ariane, vendeuse dans une boutique de vêtements malgré une maîtrise de communication. Ou Thomas, en attente des résultats d’un concours de la fonction publique territoriale de niveau bac, lui qui est titulaire d’une maîtrise de droit public.
Pour échapper au chômage, de plus en plus de jeunes acceptent un job au-dessous de leur qualification. Même avec de « bons » diplômes ou réputés tels : écoles de commerce, DESS divers, diplômes juridiques. Le phénomène a été mesuré pour l’Insee par une équipe de chercheurs (1). Il a pris une ampleur inquiétante. Un jeune sur quatre est touché et même beaucoup plus chez les anciens étudiants. Trois ans après leur sortie du système éducatif, 36% des jeunes de niveau bac ou supérieur occupent un poste inférieur à leur niveau de formation, 32 % gagnent moins que ce que rapporte normalement leur diplôme et 29% se sentent déclassés.
La peur du déclassement hante les têtes : celles des étudiants qui ont manifesté contre le CPE. Celles de leurs parents bercés aux doux souvenirs des Trente Glorieuses. « Dire qu’avec ma formation de technicien je suis devenu cadre », s’étonne ce salarié de Renault, d’âge mûr, surpris que sa fille licenciée en droit ne puisse prétendre qu’à un petit boulot.
Parce que le diplôme était nécessaire pour échapper au chômage, on a cru qu’il était suffisant pour avoir un poste de son choix. Illusion collective. Comme si la structure des emplois allait évoluer au gré des diplômés. Eh bien ! non. Les bataillons de bacheliers, licenciés, titulaires de maîtrise n’ont cessé de grossir, et le nombre de postes à responsabilités, lui, ne s’est pas accru pour autant. « La proportion de cadres dans une entreprise plafonne à 10-15% de l’effectif total. Les étudiants ne pourront pas tous devenir cadres », s’affole le Medef.
Pourtant, le phénomène était prévisible, annoncé. Depuis longtemps, le prospectiviste Michel Godet dénonçait à grand bruit « la France malade du diplôme » ou « le grand mensonge », dans de fougueux articles publiés dans « le Monde de l’éducation » ou la revue « Futuribles ». Il y a dix-huit ans, déjà, il mettait en garde : « Attention ! les réservoirs d’emplois se trouveront dans la restauration, le gardiennage ou le soin à la personne. » On y est. Mais voilà, au pays de la sacralisation du diplôme, devenir auxiliaire de vie avec une licence de lettres, c’est déchoir. L’indispensable diplôme peut aussi fonctionner comme un piège psychologique. Le malentendu sur le niveau réel des emplois proposés a la vie dure, même si une prise de conscience semble se faire jour : avec la chercheuse de gauche Marie Duru-Bellat osant parler de sélection à l’université ou le président de Paris-IV, Jean-Robert Pitte, publiant un livre intitulé « Jeunes, on vous ment ! », où il propose de multiplier les places dans les filières courtes.
On n’a pas fini de mesurer les ravages du déclassement. Insatisfaction, immense déception vis-à-vis du monde des adultes, amertume, envie de quitter le pays, sans compter la colère des éternels stagiaires qui vivent ainsi la forme suprême du déclassement. L’ampleur du désespoir exprimé dans deux ouvrages sur les stagiaires (2) donne le vertige. « Si j’avais su, j’aurais fait un bac+2 », dit ce diplômé en DESS de finances qui, recruté au smic, a craqué et redoute aujourd’hui de finir clochard. On mesure aussi combien d’enthousiasme, d’énergie, de vitalité ont ainsi été cassés. Les « déclassés », selon l’étude publiée par l’Insee, ne sont que 53% à se réaliser professionnellement dans leur emploi. Alors que les veinards qui ont la chance d’avoir le job correspondant à leur niveau de formation se disent épanouis dans leur travail à 88%.
Curieusement, l’optimisme vient de celui qui s’époumonait jadis sur les illusions des diplômes : Michel Godet. Déjà, fait-il remarquer, certaines chambres des métiers, comme à Saint-Brieuc, voient arriver des étudiants en rupture de fac désireux d’apprendre à un haut niveau le BTP ou la réparation automobile - des secteurs où il y a du travail - pour créer ou reprendre une boîte. Ils préfèrent devenir chefs d’entreprise plutôt que diplômés de lettres ou de psycho mais sous-employés. Dans certains secteurs, le départ des baby-boomers à la retraite, selon Godet (3) , va dissuader les jeunes de continuer à s’engager dans des études longues et inutiles. Déjà les banques courent après les jeunes pour les former et recrutent en masse des bac+2. On en a même vu organiser des journées « portes ouvertes » ou louer le Stade de France pour les attirer. « Le taux de chômage des bac+4 est de plusieurs points supérieur à celui des bac+2. Cela va bien finir par se savoir », dit Godet, qui espère que l’illusion des diplômes commence à se dissiper.

(1) « Le Déclassement des jeunes sur le marché du travail », par Jean-François Giret, Emmanuelle Nauze-Fichet, Magda Tomasini dans « Données sociales. La Société française », Insee, 2006.
(2) « Sois stage et tais-toi ! », collectif Génération précaire, La Découverte, 2006.
« Profession stagiaire », par Guillaume Evin et Emilie Maume, Ramsay.
(3) « Le Choc de 2006. Démographie, croissance, emploi. Pour une société de projets », par Michel Godet, Odile Jacob.

Jacqueline de Linares
Source : Nouvel Obs

Voir aussi le dossier de L’express

Messages

  • Je n’arrive toujours pas à concevoir ce gaspillage.
    Je suis diplomé d’un bac + 5 en Connaissance et Valorisation des Terroirs, j’ai 5 ans d’expérience, j’ai participé à de multiples colloques, je fais partie de plusieurs associations (sur le terroir), j’ai envoyé 500 mails et une centaine de courriers, rencontré pas mal de monde et réalisé un blog.
    Et après tout cela : RIEN !

    Voir en ligne : Terroirs et Cuisines du Sud

  • Diplômée d’un bac +5 en Commerce International depuis Décembre 2004, j’ai passé 11 mois au chômage puis par désespoir de cause, j’ai accepté un boulot de commerciale sur Paris...
    Programme... je vous le donne en mille... entre 60 et 70h par semaine, payée 1280 euros.
    Démissionnaire, j’ai retrouvé un petit boulot d’intérim et j’ai postulé pour passer en CDI.
    Accusée d’être surdiplômée, me voilà à nouveau au chômage... 2 ans et 4 mois après avoir été diplômée...
    C’est une situation particulièrement instable et insupportable pour moi-même et pour l’entourage qui ne comprends pas tjs mes sautes d’humeur...

    • Je partage totalement ton point de vue ! Egalement diplomé en commerce international depuis décembre 2006, j’ai fais des stages et jobs à l’étranger, des études à l’étranger, de l’alternance pour acquérir de l’expérience et valoriser mon diplôme, mais aujourd’hui, aprés 6 mois de recherche infructueuses, j’ai le moral en berne.
      J’ai bien des entretiens, lors desquels on me dit évidemment que je n’ai pas assez d’expérience, que je ne connais pas tel logiciel, etc...
      Je ne sais plus de qui ou quoi vient le pb, et je m’inquiète pour mon avenir professionnel. On commence de plus en plus à me notifier cette période de chomage dans mes entretiens et cela me déstabilise.
      Mais il faut garder la tête haute et se dire que cette période apporte beaucop en terme de gestion du stress, de ses priorités et de son organisation !
      Finalement, chercher du travail, c’est un job à part entière !
      courage !

    • je suis dans le même cas que toi.

      j’ai un BAC + 5 en Ingénierie financière. je cherche un poste en banque. tu me dira çà doit être facile à trouver. et bien non. j’ai raté les tests psychotecnique donc pas le droit de les repasser avant 2 ans.et g obtenu mon diplôme en décembre 2004. courage. moi aussi je démoralise. le plus dur c’est le regard des autres. en attendant de trouver un cdi je bosse en intérim dans des usines agroalimentaires , quelques fois dans des banques.

      tous çà pour te dire, qu’il faut un noyau solide d’amis pour tenir le coup

  • Pour ma part j’ai trouvé un job en assez peu de temps (4 mois) suite à l’obtention d’un DESS dans les systèmes d’info, malheureusement le métier (l’audit) n’est pas passionnant et déshumanisé, je me dis clairement que je n’aurais pas du suivre cette filière bien qu’il y ait des débouchés.
    Je cherche toujours la morale de mon histoire...

  • Je suis titulaire d’un dess shs spécialité ingénierie de formation depuis 2 ans. pour être clair je suis passé de la bourse d’étude au RMI (Gratifiant !).
    Et pourtant j’ai bossé enfin plutôt stagié !Je sors à peine de cette situation.
    Et je ne me plains pas.Simplement pour dire que c’est dur pour beaucoup de gens et pas uniquement pour les diplômés aujourd’hui. Aussi bien pour les séniors, et que dire des gens non qualifiés c’est encore plus dur pour eux !
    Le problème est qu’il faut avoir un métier en main quand on arrive sur le marché du travail.Les études bac +5(Surtout à la fac, et j’en suis !) sans l’alternance ne permettent pas de nous rendre opérationnel immédiatement.
    Donc c’est la bataille pour se professionnaliser en raison du nombre de diplomés à ce niveau aujourdh’ui. C’est la loi de l’offre et de la demande avec tout les abus que ça peut provoquer.
    Mais il faut garder confiance en soi et ne pas se décourager.

  • Titulaire d’un Master en Psychologie, je fais partie de ces "bouchés" sans avenir. Après une grosse désillusion dans mes tentatives d’insertion, je recommande à tous les diplômés BAC+5 de s’initier à la séduction. Le recrutement est uniquement une entreprise de séduction (un recruteur se fait une image de vous en 40sec) ! Pour vous insérer, maitrisez les codes informels : initiez vous au langage de votre domaine, enfilez le costume, mentez, amplifiez, déformez vos expériences et vos diplômes mais sachez de quoi vous parlez. Faites preuve de valeur, vous êtes un produit à profit. Si vous êtes ambitieux lisez Machiavel, faites des promesses que vous ne tiendrez pas. Soyez curieux, cherchez et partagez l’information et les expériences.
    Personnellement j’ai appris beaucoup plus dans mes lectures et expériences qu’à travers le discours déconnecté de l’université. Un jour votre diplôme aura une certaine reconnaissance et sera légitime dans une de vos candidatures. Dans ce monde de compétition, l’illusion de la reconnaissance et du statut social fait encore beaucoup d’émules. Intéressez vous au pouvoir et au marketing. Le pouvoir ne se donne pas, il se prend ! Si vous ne maitrisez pas l’influence, vous resterez avec des œillères. Le monde professionnel est traversé de toutes parts par des jeux d’influence, à vous de vous lancer dans la partie.

  • Salut,
    Comme tu peux le constater ton article est toujours d’actualité !!!
    Je suis diplômée depuis septembre 2008 d’un Master 2 Sciences de l’Éducation spécialité travail éducatif et formation : acteurs et organisation, et on me dit avoir un diplôme trop général qui ne correspond à rien pour être gentil !!!
    Parfois je me demande pourquoi j’ai fait des études.
    Pour avoir étudier ma dernière année à montreal (Québec, Canada) je peux vous dire que les diplômes la-bas sont reconnus et que je regrette d’être revenu en France où la reconnaissance des diplômes n’existe pas et où ont fait espérer les jeunes en leur faisant croire que l’avenir est dans les études.
    Petit conseil aux jeunes qui arrivent et qui n’ont pas choisi leur filière dirigez-vous vers des études professionnalisantes et quittez la France : les diplômes sont bien mieux reconnus à l’étranger et ce quel que soit la filière !!!!!